logo Ministry of Foreign Affairs
République Algérienne Démocratique et Populaire
Ambassade d'Algérie à Sarajevo

Comment j’ai connu l’Algérie

                                         Par Midhat Osmanbegović

                                           Ancien Directeur de la Société « Energoinvest » en Algérie.

                                                                                                                                                              

Je suis né et j’ai grandi dans un pays et une société où la LIBERTÉ était une valeur fondamentale ; chaque jour, aux informations, nous suivions les combats de personnes courageuses, prêtes à payer le prix le plus élevé pour gagner leur liberté à travers le monde et en particulier en Algérie.

Mes souvenirs les plus anciens, encore très clairs, de ma petite enfance sont liés à l’actualité de la lutte du peuple algérien pour se libérer de plus de cent ans d’esclavage contre l’un des pays les plus puissants du monde et au prix élevé que ce peuple a payé pour sa liberté. Nous étions fiers de notre pays, à l’époque la Yougoslavie, et de notre président Tito, qui a apporté un soutien sans réserve à l’Algérie dans ce combat. Une des formes de soutien était d’accueillir les blessés algériens que nous recevions pour leur prodiguer des soins et qui, après la fin des combats, et une fois la victoire obtenue, sont restés dans notre pays comme étudiants à Belgrade, Zagreb ou Sarajevo.    

Très peu de temps après l’indépendance, un groupe de professionnels de la santé de Sarajevo a été envoyé en Algérie pour aider à établir un système de soins. Mon cousin, pédiatre, parti en Algérie avec sa famille pendant 2 ans, faisait également partie de ce groupe. Ses impressions, ainsi que les expériences de son épouse et de ses fils, ont été une source d’information précieuse et inestimable sur l’Algérie et, comme elles étaient toutes plus que positives, elles ont créé en moi une nette affection pour ce pays et son peuple.

Après avoir obtenu mon diplôme universitaire, j’ai eu la chance de trouver un emploi dans l’une des plus grandes entreprises du pays de l’époque, Energoinvest, qui travaillait dans le monde entier, notamment dans les pays africains. Après ma première expérience professionnelle en Irak, j’ai eu en 1991 l’opportunité de venir pour une année en Algérie dans le cadre d’un projet de construction de ligne de transport électrique de haute tension Jijel – Ain M’Lila. Pour moi c’était à la fois un défi personnel et professionnel.

J’ai eu l’opportunité de connaitre une autre culture et une tradition proche de la mienne dans de nombreux domaines, ainsi que de travailler dans un système beaucoup plus « européanisé » dans son approche que dans d’autres pays d’Afrique et du Moyen-Orient. Un problème majeur était mon manque de connaissances en longue arabe et en français, mais je l’ai rapidement surmonté grâce aux algériens qui ont essayé de me comprendre en communiquant avec moi en anglais. Je dois ici exprimer ma profonde et sincère gratitude et mon admiration à mes confrères de Sonelgaz : Messieurs Foura, Kichou, Benachour, Khoukhi, Iminiguene, Abdellah …. Et à mes amis de la société KAHRIF de Médéa : MM. Rahmani, Benkortbi, Bouaiche … je m’excuse auprès de tous ceux que je n’ai pas cité ici.

Très peu de temps après mon arrivée en Algérie, mon ancienne patrie, qui comprenait jusqu’à lors 6 républiques, s’est divisée en plusieurs États. C’est ainsi que ma république natale de Bosnie-Herzégovine a déclaré son indépendance et depuis le 6 avril 1992, elle existe en tant qu’État membre indépendant de l’Organisation des Nations Unies.

Malheureusement, la déclaration d’indépendance n’a pas plu aux pays voisins, qui avaient clairement exprimé des aspirations hégémoniques à l’égard de la Bosnie-Herzégovine, et l’on montré très rapidement en tentant d’annexer des parties de la Bosnie-Herzégovine. Lorsqu’ils n’y sont pas parvenus de manière pacifique, ils ont perpétré des attaques les plus terribles via leurs unités militaires et paramilitaires contre la population désarmée – femmes, enfants, personnes âgées … La Bosnie-Herzégovine a commencé à vivre, si je puis m’exprimer ainsi, « l’Histoire algérienne 1954-1962 »

En même temps, les attaques terroristes ont commencé en Algérie. Elles coutèrent la vie à des milliers d’innocents et provoquèrent d’importants dégâts matériels ainsi qu’une grande insécurité parmi les citoyens algériens.

A partir d’avril/mai 1992, les crimes contre les civiles d’Algérie et de Bosnie-Herzégovine se sont intensifiés et les pertes humaines ont commencé à se chiffrer par des milliers, et ce, de la manière la plus monstrueuse.

Dans une situation si difficile pour nos deux pays, le Ministère de la santé de la Bosnie-Herzégovine a demandé l’aide du gouvernement algérien pour prendre en charge les blessés de Bosnie-Herzégovine. Le gouvernement algérien a immédiatement répondu à cette demande et a formé le « Comité de soutien au peuple de Bosnie-Herzégovine », en attribuant 12 bourses à des étudiants de Bosnie-Herzégovine et en accueillant un groupe de 59 blessés pour qu’ils y soient soignés. Des soins médicaux ont été dispensés au CHU Mustapha Bacha, CHU Salim Zemirli, CHU Douera, et le Centre de rééducation Azur Plage, de Tixeraïne.

Les étudiants qui ont réussi à quitter la Bosnie-Herzégovine et à venir en Algérie ont ainsi pu étudier à Alger et Oran. Je profite ici pour exprimer mon extrême gratitude et mon profond respect à mes amis du Ministère de la Santé d’Algérie, le Dr Reda Merad, le Dr Guennar, ainsi que les éminents professeurs des CHU tels que le Pr. Benjedou, le Pr. Boudjamaa, le Pr. Ait-Belkacem, le Pr Nouar …. Aux amis de l’Observatoire National des Droits de l’Homme dirigé par le Président Maitre R. Bara, au Croissant Rouge d’Algérie, le Dr Bellaouane, et Dr S. Ayachi. Je ne saurai oublier le Ministère des Affaires Étrangères, en particulier M. D. Antar, et M. Ogab. J’ai eu à connaitre toutes ces personnes lorsque je servais de coordinateur de l’action d’aide algérienne avec notre Ambassadeur basé à Tunis.  

Un grand nombre d’Algériens venaient chaque jour rendre visite aux jeunes gens grièvement blessés, leur apportant des cadeaux, de la nourriture, du réconfort et en passant du temps avec eux. Les rencontres d’anciens combattants algériens avec ces jeunes blessés bosniens étaient particulièrement touchantes. Ils revivaient leur histoire personnelle en regardant cette jeunesse se sacrifier et souffrir pour la Bosnie-Herzégovine.

La prise en charge des blessés était pour moi un travail quotidien qui comprenait une visite de tous les CHU où ils étaient accueillis, ainsi que les réunions avec toutes les personnes impliquées dans l’action d’aide – le Ministère de la Santé, le Ministère des Affaires Étrangères, le Croissant Rouge, l’Observatoire National des Droits de l’Homme - etc…

A cette époque, un nombre considérable de citoyens de Bosnie-Herzégovine qui avaient réussi à s’échapper de la zone où se déroulait le nettoyage ethnique et dont les membres de leur famille travaillaient en Algérie, sont venus et le gouvernement algérien a immédiatement régularisé leur séjour.

 A la fin des soins, de nombreux blessés ont demandé de l’aide pour se rendre en Allemagne, en Suède et en Norvège pour rejoindre leurs familles qui avaient trouvé refuge dans ces pays. Le gouvernement algérien a aidé à obtenir les visas et à organiser leur transport. Un nombre important de soldats (guéris) de l’Armée de Bosnie-Herzégovine sont restés après la fin de leur traitement en Algérie jusqu’à ce que les conditions de leur retour en Bosnie-Herzégovine soient remplies.

Mais malgré la situation extrêmement difficile que nous vivions chaque jour, de belles choses se sont également produites ; j’ai rencontré une algérienne, le Dr Aida Hakimi, que j’ai épousé en décembre 1993, et en décembre 1994, nous avons eu une fille née au CHU Mustapha Bacha, Amina. Je crois que tous ceux qui liront ce texte comprendront qu’il est écrit par un « compatriote ».

Sur ordre de la société Energoinvest, je suis rentré à Sarajevo en juillet 1996 et, toujours sur ordre d’Energoinvest, je suis revenu en Algérie en 2000, mais maintenant avec ma famille. Mes trois filles, Amina, Nur et Iman, ont commencé leurs études en Algérie, où elles se sont faites de nombreux amis avec lesquels elles sont encore en contact étroit, aujourd’hui, plus de 20 ans après.

Cette deuxième période a été très différente de mon premier séjour de 1991 à 1996. L’expansion économique avait repris, la construction de l’État dans tous les domaines et les progrès ont pu être constatés presque quotidiennement. Je suis heureux que mon travail à Energoinvest m’ait permis d’avoir l’opportunité d’apporter une modeste contribution aux aspirations de développement des algériens, en coopérant avec la Sonelgaz et en construisant les lignes de transport et des stations sur tout le territoire algérien : Sétif, Oran, Mostaganem, Ain Sefra, El Abiodh Sidi Cheikh, El Milia, Chlef … Grand respect aux amis de la Sonelgaz-GRTE : MM. Kinane, Bensalem, Ramdani, Waret, Medkour, Safsafi, Mmes. Kiboua, Negazzi, Zidane, Bendali, Bousmaha et aux amis depuis les premiers jours de mon séjour dans ce merveilleux pays : MM. Khoukhi et Abdellah.

Dans toutes ces villes et villages, tous mes collègues avaient des rapports très amicaux avec la population locale ; je citerais l’exemple d’un collègue qui travaillait à Oran et à qui des voisins apportaient son Déjeuner tous les jours pendant le Ramadhan car ils savaient qu’en tant que chrétien il n’avait nulle part où manger, les restaurants étaient fermés pendant la journée.

En conclusion, je dois admettre que chaque souvenir d’Algérie provoque en moi un flux d’émotions qui nécessitent plus d’un texte - un seul ne suffirait pas pour énumérer les personnes merveilleuses que j’ai rencontrées et dont je peux aujourd’hui dire avec fierté qu’elles sont mes amis. 

Midhat Osmanbegović

Ancien Directeur de la Société « Energoinvest » en Algérie.

 

N.B : Malheureusement quelques-unes des personnes citées dans ce texte ne sont plus parmi nous.  Je tiens à leur rendre hommage et à présenter à leurs familles mes sincères condoléances. 

 

Tous droits réservés - Ministère des Affaires Etrangères et de la Communauté Nationale à l'Etranger - 2023